La pratique du graffiti a été un moment enrichissant et porteur de sens dans mon parcours artistique. Après l’expo collective Berriat83 avec Eric Lemaire (Pseudonyme Fluorescent) et Gabriel Abraham (Frisson Lubrique), je rencontrais Yako et Arno, deux étudiants de l’école d’architecture.
Par leur illégalité, nos interventions, le plus souvent nocturnes, nous positionnaient dans l’espace public exactement là où, à notre avis, devraient toujours se placer les pratiques artistiques. L’Art n’a de sens que lorsqu’il s’oppose au ronron du quotidien et à la fausse bien-pensance. En appelant à sortir de la pensée unique, il se veut et se sait dérangeant parce qu’en la distordant, il cherche à modifier le cours de l’Histoire et fait ainsi de nous, les artistes, des Résistants. Tout le reste n’est que bizness et allégense aux marchés financiers.




Là où beaucoup y voyaient une affirmation de l’égo triomphant, graffer pour nous était plutôt une forme primitive de hacking d’un monde déjà proche de l’implosion. En cette fin des 30 glorieuses, ce graffiti-là (Greffiti) pointait déjà les failles de la société de l’avoir et en prédisait l’effondrement.
Comme un poison dans la machine, un grain de sable dans les rouages du capitalisme, même si cela n’était pas toujours formulé, il était un acte de guerre désespéré et poétique contre la machine Big Brother et la perte de sens qu’elle génère.
La rapidité de nos interventions sur les murs de la ville endormie, donc plus vulnérable, était favorisée par l’utilisation des sprays, de radios bricolées scannant les fréquences policières et parlait déjà de l’emballement des rythmes. Comme leur destin était d’être effacés, nos Greffitis racontaient l’éphémère de l’existence et bientôt la souffrance de ceux qui n’accepteront pas d’être des moutons même quand tout les y invitera.
Réécrite par les vainqueurs, l’histoire a ses héros et sacrifie les martyres anonymes.